[Mme de Coicy], Demande des femmes aux États-généraux ; par l’auteur des Femmes comme il convient de les voir.

Édition

Édition établie, annotée et commentée en 2020-2021 par Amanda Sarkis (M1 GLC), relue par Yuliia Zhuk (M1 GLC), revue, en 2021-2022, par Cloé Eymard (M2 ÉGALITÉS) et Roxanne Gangloff-Proust (M2 ÉGALITÉS), sous la direction d’Olivier Ferret (Université Lumière Lyon 2, UMR 5317 IHRIM)

Référencement bibliographique

[M^me de Coicy], Demande des femmes aux États-généraux ; par l’auteur des Femmes comme il convient de les voir, s.l.n.d.

<https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56703d>

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DEMANDE DES FEMMES AUX ÉTATS-GÉNÉRAUX ;
Par l’Auteur des Femmes comme il convient de les voir¹

Les Femmes forment la moitié de l’espèce humaine qui habitent [sic] le territoire de la France.

Depuis des siècles, elles ne sont rien dans la Nation Françoise, & elles ne peuvent avoir aucune influence dans ses affaires, que par des moyens secrets de ruse & de séduction, qui, très-souvent, il faut l’avouer, leur réussissent.

Cependant², il fut un tems où, par les loix de la [2] Nation Françoise, il n’y avoit aucune différence entre les Hommes & les Femmes, même pour les fonctions qui exigent de la force, du courage & des vertus : par ces loix qui ne sont point abolies, les Femmes n’étoient point exemptes des travaux publics, ni des services de guet & de garde ; elles pouvoient posséder des Fiefs à charge de services militaires.

Lorsqu’en 1303, Philippe-le-Bel ³ assembla le Ban & arrière-ban⁴, les Femmes comparurent en personne.

On les a vu[es] faire l’office de Pairs, & en cette qualité siéger au Parlement : elles rendoient en personne la justice de leurs terres.

Au Sacre de Philippe V⁵ à Rheims, le 6 Janvier 1316, Mahaut, Comtesse d’Artois & de Bourgogne⁶, assista à cette cérémonie en qualité de Pair de France, & soutint la Couronne avec les autres Pairs.

En 1163, la Vicomtesse de Narbonne⁷, troublée dans la jouissance du droit de rendre la justice par elle-même, y fut maintenue par le Roi Louis-le-Jeune⁸, & l’Historien du Languedoc⁹ dit que la Vicomtesse, sans recourir à l’autorité du Roi, pouvoit se servir de l’exemple de plusieurs Comtesses & Vicomtesses du pays, qui avoient auparavant présidé à divers plaids¹⁰, & se fonder aussi sur la loi.

[3] Berengere, Comtesse du Maine¹¹, présida le mardi 23 Août 1216 à un duel fameux qu’elle ordonna entre deux Champions dont l’un accusoit de crime une Demoiselle, & l’autre soutenoit son innocence.

Dans les Tournois, elles étoient Juges souverains du point d’honneur¹², & prononçoient même des peines corporelles contre les coupables.

Je ne réclame point aujourd’hui ces antiques fonctions ; je ne les présente ici que pour rallumer dans le cœur des Femmes quelque chaleur qui les porte à s’efforcer de sortir de la honteuse & révoltante inutilité où elles sont.

C’est dans la même intention que je mets sous les yeux des Femmes, & que je présente à la Nation assemblée ce que les Femmes ont été & ce qu’elles sont dans les fonctions les plus importantes des Sociétés.

            Les Sciences & les Arts.

            La Religion.

            Le soin des Malheureux.

            La défense de la Patrie.

            La Politique.

SCIENCES ET ARTS.

Quoiqu’en France l’instruction ait été presque [4] généralement interdite aux Femmes¹³, cependant Mademoiselle de Gournay¹⁴, Philosophe dans sa conduite, Philosophe dans ses écrits, sut toutes les Langues savantes, & fut le Sénèque & le Montaigne de notre sexe.

Madame Dacier¹⁵ tient un rang distingué entre nos Traducteurs & nos meilleurs Critiques.

Catherine, Duchesse de Retz¹⁶, est au nombre des plus savans personnages de la France, même dans les Sciences les plus utiles, Eloquence, Philosophie, Mathématiques.

Madame des Houlières¹⁷ a fait les meilleures Idylles que nous ayons dans notre Langue.

M^lle de Scudéry est placée au rang des Romanciers François, & c’est à elle qu’a été décerné l’honneur du premier prix d’éloquence que l’Académie Françoise ait donné¹⁸.

Le Prix proposé par l’Académie Françoise en l’honneur du meilleur Ouvrage sur l’éducation, vient d’être adjugé à une Femme, M^de De G…..¹⁹

La Marquise de Lambert est charmante & sublime dans son Traité de l’Amitié, dans celui de la Vieillesse, dans ses Réflexions sur les Femmes²⁰, & on préféra l’honneur d’être de sa Société, à celui d’être des plus célèbres Académies.

Les Mémoires de Marie d’Orléans²¹ sont écrits avec fidélité, & d’un style très agréable.

[5] Enfin, l’Histoire Littéraire des Femmes Françoises²² en compte plus de 400 qui se sont distinguées.

Dans les Arts, Mademoiselle Cheron²³, Mademoiselle Valagier²⁴, Madame le Brun²⁵ ont forcé, par leurs excellens ouvrages, l’Académie de Peinture à leur donner le titre d’Académiciennes ; mais, toutes les autres Académies du Royaume n’admettent aucune Femme.

RELIGION²⁶.

Sans la Religion, les Sociétés ne peuvent subsister, & sans le culte, la religion ne peut se soutenir.

Ouvrons l’Histoire du Christianisme ; nous verrons que c’est par les Femmes que l’Angleterre, la France, une grande partie de l’Allemagne, la Bohème, la Pologne, la Lituanie, la Russie, ont reçu l’Evangile, & que la Lombardie & l’Espagne ont renoncé aux opinions d’Arius²⁷.

 De tout tems, les Femmes ont paru être pénétrées des vérités de la Religion plus que les hommes ; nous ne voyons, presque, que des Femmes dans nos Temples ; elles soutiennent encore aujourd’hui le titre de sexe dévot²⁸, qui leur fut donné par l’Eglise même.

Cependant toutes les fonctions qui ont quelque [6] relation avec la Religion sont interdites aux Femmes ; dans nos Temples, une barrière les sépare du Sanctuaire, & les tient loin des autels ; elles n’ont aucune part aux rangs distingués, aux titres & aux richesses immenses que la Nation donne à l’état Ecclésiastique²⁹.

SOIN DES MALHEUREUX.

Pour les devoirs de charité, d’humanité, les Femmes ont la supériorité sur les hommes.

Dans toutes les divisions des Villes par Paroisses, ce sont toujours des Femmes qu’on élit pour distribuer les aumônes ; &, dans cette fonction fatigante & désagréable, on admire leur zèle & leur fidélité.

On a vu, pendant nos guerres sous Louis XV, les Femmes Françoises des villes les plus près des armées, quitter leurs ouvrages d’utilité & d’agrément personnel, pour travailler à fournir dans nos armées les choses les plus nécessaires au pansement des blessés ; on a vu Madame d’Audifret, femme du Lieutenant du Roi de Briançon, prête d’accoucher, prendre elle-même soin des blessés qu’on y transporta après le malheureux combat d’Exiles, les panser de ses mains, & mourir de fatigue³⁰.

[7] Le soin des malades rassemblés dans les Hôpitaux, est généralement confié aux Femmes ; enfin elles ont dans la Société cette fonction publique, la plus nécessaire & la plus pénible ; & n’en ont aucune autre.

LA DÉFENSE DE LA PATRIE.

Des François irrités comme un Ministre Despote³¹, murmuroient assez haut ; mais aucuns n’agissoient. Mademoiselle de Montpensier³² osa lever l’étendart de la révolte ; elle fut la première sur les murs de Paris, & de sa propre main mit le feu au canon, pour foudroyer la tyrannie³³.

Catherine de Parthenay, épouse de René Duc de Rohan, & sa fille, la célèbre Anne de Rohan³⁴, se distinguèrent par leur courage au siége de la Rochelle³⁵.

Les Turenne, les Villars³⁶, ont été des défenseurs célèbres de la Nation ; cependant on ne les a pas honorés d’une statue exposée aux regards publics, tandis que l’illustre Jeanne d’Arc a, sur la principale Place d’Orléans, une statue que la reconnoissance a érigé[e] à sa mémoire³⁷.

Vienne, Saint-Lô, Beauvais, Falaise & plusieurs autres Villes de France ont vu, dans la défense de leur Patrie, les Femmes animer, [8] égaler & surpasser la valeur & l’intrépidité de leurs maris.

Madame de Miramon, la Comtesse de Seaux³⁸, la Comtesse de Montfort³⁹, la Comtesse de la Tour-d’Auvergne⁴⁰, Jeanne de Navarre⁴¹, Marie de Barbançon⁴², Marie de Lalain⁴³, la Dame de Balagny⁴⁴, la Comtesse de Vaudemont⁴⁵, la Comtesse de Derby⁴⁶, de la Maison de la Tremouille, l’Abbesse de Remiremont⁴⁷, & quantité d’autres Femmes, sont célébrées dans l’Histoire Militaire de la Nation ; & sans la belle Agnès Sorel⁴⁸, la léthargie du Roi Charles VII & le courage abattu des François laissoient les Anglois maîtres de la France⁴⁹.

Malgré ces grandes preuves de la valeur des Femmes Françoises, elles ne sont rien dans l’Etat Militaire François, & elle se contentent d’inspirer à leurs enfans, à leurs maris, aux hommes qui les environnent, les sentimens d’amour de la Patrie, la valeur nécessaire à sa défense, & d’accabler de mépris les François qui, pour ce grand objet, manquent de courage.

LA POLITIQUE.

Pour la Politique, les Femmes Françoises ont une supériorité décidée sur les Hommes⁵⁰.

[9] Les Ministres des Autels⁵¹ paroissent être les ennemis déclarés des Femmes ; par état, ils croyent devoir les outrager en public, mais en particulier ils ne peuvent résister à leurs charmes.

Elles ne sont points sur le trône ; mais on les voit souvent gouverner ceux qui y sont assis.

Elles sont exclues du Gouvernement ; mais on les voit diriger les Ministres, se faire obéir des Sénateurs, & élire les Généraux.

Elles ne peuvent paroître dans les armées ; mais elles en sont l’ame, & c’est pour se rendre dignes d’elles que la plupart des Guerriers y poursuivent la gloire.

Le Temple de Thémis⁵² leur est fermé, mais par des chemins secrets & sûrs, elles y pénètrent, & y font sentir leur puissance.

Elles savent l’art de dépouiller les riches Financiers, & les Commerçans se plaisent à leur prodiguer les fruits de leurs travaux.

Elles ne sont chargées d’aucunes affaires, mais elles se trouvent mêlées dans toutes.

Elles n’ont aucuns rangs, mais elles savent faire sentir leur puissance dans tous les rangs.

Elles n’ont point de distinctions, mais elles en décorent qui leur plaît.

Elles n’ont aucun emploi ; mais elles les distribuent.

[10] Elles n’ont aucune fonction, mais elles font tout mouvoir à leur gré, & chacun leur rend des hommages.

Deux seules Femmes Françoises ont été publiquement chargées de fonctions importantes⁵³. Madame de la Haye Vantelai fut envoyée à Venise en qualité d’Ambassadrice de France⁵⁴. La Maréchale de Guébriant⁵⁵ fut revêtue du caractère d’Ambassadrice Extraordinaire auprès de la République de Pologne ; & elles s’acquittèrent de cet emploi avec intelligence & grandeur.

On a vu⁵⁶ en même tems les trois plus puissans Etats de l’Europe gouvernés par trois femmes ; l’Angleterre, par Madame de Marlborough⁵⁷, la France, par Madame de Maintenon⁵⁸ ; & l’Espagne, par Madame des Ursins⁵⁹.

Et par nos Loix Françoises, les Femmes ne sont rien !

François rassemblés en corps de Nation, reconnoissez ce que les Femmes Françoises furent, ce qu’elles sont, & ce qu’elles peuvent être.

Notre amour sincère pour le bien de la Patrie, joint à la crainte des troubles civils, nous forcent à ne mettre aucun trouble à vos décisions, à nous y soumettre sans résistance.

Nous ne demandons qu’une parure, & nous ne [11] la demandons instamment que parce qu’elle ne peut nuire en aucune façon au bien commun de la Nation, & que nous sommes certaines qu’elle coopérera puissamment à l’accroissement de ses vertus, de sa puissance & de son illustration.

Nous demandons que les Femmes soient mises en droit de se parer des mêmes colliers & croix des Ordres de Chevalerie dont leurs maris seront, ou ont été honorés, en récompense de leurs vertus, de leurs talens & de leurs services.

Trouvez bon que nous sollicitions le succès de notre demande par quelques observations sur l’utilité dont sera la permission de cette parure⁶⁰.

Les Chefs des Nations ont unanimement reconnu que, pour porter les hommes aux actions utiles, le moyen le plus certain étoit l’éclat des décorations visibles & personnelles.

Des anneaux, des bracelets, des chaînes, des éperons, des épées, des vêtemens, ont été employés à ce grand usage ; on a toujours recherché ces décorations, & elles ont toujours produit un bon effet, lorsque cet aliment des vertus sociales a été sagement administré.

Les titres les plus magnifiques ne frappent point les yeux du public ; un simple Chevalier de l’Ordre de Saint-Louis⁶¹ reçoit des honneurs publics, des respects, de la considération, des égards, tandis [12] que le Duc qui n’a point de décorations visibles ne peut jouir d’aucuns de ces avantages qui honorent.

L’Etat Ecclésiastique, malgré sa morale & ses principes, n’a point méconnu la force & l’utilité des décorations extérieures ; il en a fait le plus grand usage : des couronnes, des mîtres, des anneaux, des croix, des habillemens distinguent du reste des hommes ceux qui sont dévoués au culte des Autels.

La France n’a point négligé ce moyen puissant de créer & d’entretenir des hommes utiles. Les décorations personnelles & visibles que les Rois de France ont établies, ont été d’un effet plus grand que dans les autres Etatsde l’Europe ; l’Ordre de Saint-Michel⁶², celui du Saint-Esprit⁶³ & celui de Saint-Louis⁶⁴ ont toujours tellement éblouï les yeux des François, que les Grands Seigneurs ont oublié les prétentions de leur naissance, ont réprimé tous leurs desirs, n’ont plus eu d’autre ambition que celle de mériter des cordons & des croix.

Les grands progrès qu’ont fait[s] en France les Sciences, les Arts, la Philosophie & le luxe auroient, sans doute, attiré le dévouement de la Noblesse au service militaire, sans l’institution de l’Ordre de Saint-Louis ; le desir d’obtenir la croix de Saint Louis a fixé la valeur & la gloire dans les Armées Françoises ; depuis le Peuple jusqu’à la [13] Noblesse du plus haut rang, les François en foule sacrifient la jouissance des plus belles années de leur vie, usent leur fortune, altèrent leur santé, s’exposent au danger évident d’être mutilés ou tués, deviennent les plus intrépides défenseurs, les plus généreux martyrs de la Patrie, & se croient magnifiquement récompensés, si, pour prix de si grands sacrifices, ils obtiennent d’être décorés de la croix de l’Ordre de Saint-Louis.

C’est au desir d’obtenir la décoration de l’Ordre de Saint-Michel, qui est donné[e] aux François qui se distinguent dans les Sciences & dans les Arts⁶⁵, que nous devons ces hommes célèbres, qui, par leurs ouvrages, ont contribué à étendre la gloire du nom françois dans toute l’Europe, & qui ont attiré cette grande quantité d’Étrangers qui viennent en France admirer, étudier & payer leurs ouvrages.

Il conviendroit d’établir en France un quatrième Ordre en faveur de la Magistrature, Corps si nombreux, si utile, si noble dans ses fonctions même, & si digne des respects & des égards publics.

Si on nous accorde ce droit de nous parer des mêmes colliers des Ordres dont nos maris sont ou seront honorés, se trouvera-t-il une seule Femme qui n’emploie auprès de son mari toute la force que pourront lui donner sa beauté, ses charmes, son esprit, pour qu’il se rende digne d’être Chevalier ?

[14] Dès ce moment, toutes les mères se livreront au soin de donner à leurs enfans une éducation propre à faire naître en eux des talens, & à leur inspirer des vertus qui puissent un jour les rendre dignes de la Chevalerie.

Quantité de François distingués par un Ordre de Chevalerie, restoient célibataires, parce que la médiocrité de leur fortune les y forçoit ; les Femmes, qui n’avoient rien à prétendre aux décorations de la Chevalerie, n’avoient aucune raison de desirer de s’unir à un homme décoré & pauvre ; aussi-tôt cet établissement, ces hommes précieux trouveront à s’unir à des femmes riches qui pensent noblement ; ils ne mourront plus entièrement pour l’État, d’eux se perpétueront des races qui continueront à lui être utile[s].

Les femmes du plus haut rang, & celles d’un rang infiniment au-dessous, les plus vertueuses & les plus déréglées, étoient également méconnues du public ; cette confusion, défavorable aux mœurs, disparoîtra.

Les richesses, fruits ordinaires des caprices de la fortune, fréquemment celui des actions les plus basses, & quelquefois celui des actions & des rapines les plus criminelles, ne seront plus une cause de distinction entre les Femmes. Les Femmes unies à des maris qui, par leurs vertus, auront mérité un [15] Ordre de Chevalerie, seront distinguées de celles qui n’auront que la richesse pour parure ; la vertu rentrera dans ses droits : enfin, les Femmes qui n’avoient ni rang, ni fonction, ni décorations personnelles, n’étoient occupées dans la Société qu’à intriguer, plaire & séduire par tous les moyens qu’elles imaginoient propres aux succès de leurs vues ; étant mises par cet établissement en société de gloire avec leurs maris, elles s’occuperont uniquement de leurs mœurs, de leurs actions, auxquelles leur propre illustration sera intimement liée.

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Dossier critique

L’autrice

Serait-ce parce que les belles-lettres étaient un domaine parmi tant d’autres où le savoir était (est toujours ?) androcentré, il nous reste peu d’informations sur M^me de Coicy (morte en 1841, d’après la notice de la BnF⁶⁶) et ses œuvres.

Elle n’en apparaît pas moins comme l’incarnation de la volonté d’utiliser des acquis et un savoir à des fins politiques. Le sous-titre de son ouvrage le plus connu, Les Femmes comme il convient de les voir⁶⁷, publié de manière anonyme en 1785, en fournit l’illustration même : selon une progression qui va significativement du passé, au présent et au futur, il s’agit de fournir un « Apperçu de ce que les Femmes ont été, de ce qu’Elles sont, & de ce qu’Elles pourroient être ».

Structuré en trois parties, la première sans titre, les suivantes respectivement intitulées « Examen des Actions des Femmes, dans les fonctions les plus simples jusques dans les plus élevées » et « Des Occupations, de l’état & du Pouvoir des Femmes en France », l’ouvrage aborde la question de la situation des femmes dans toutes les fonctions sociales. L’« Introduction » placée en tête du premier volume annonce l’ambition qui anime l’autrice en explicitant sa démarche et en s’inscrivant, selon une logique d’innutrition rendue manifeste par le recours à la métaphore des abeilles, dans la lignée des travaux consacrés à « la louange des femmes », à l’instar de l’Essai sur le caractère, les mœurs et l’esprit des femmes dans les différents siècles (1772) d’Antoine-Léonard Thomas, cité à la fin du texte :

Je préviens ceux qui me feront l’honneur de me lire, que ce n’est aucun intérêt personnel qui me fait écrire en faveur des femmes ; mais uniquement dans l’intention d’être utile à l’un & l’autre sexe, & de mériter leur estime & leur reconnoissance.

Une assez longue expérience, accompagnée d’une étude profonde de l’Histoire, me met en état de démontrer que, pour le bien général de l’humanité, & particulièrement pour celui de la Nation Françoise, il seroit très-avantageux que les femmes fussent intimément associées aux hommes dans les devoirs envers le public, & dans la jouissance des distinctions & de la gloire, que la reconnoissance donne à ceux qui les ont remplis avec zele & succès.

Pour arriver à cette démonstration intéressante, j’examine d’abord ce que sont les hommes & les femmes sortant des mains de la Nature ; ensuite j’observe les changemens que fait en eux l’éducation que l’un & l’autre reçoivent ; de-là je remarque ce que les Nations, ce q[u]e les plus Grands Hommes ont pensé des femmes ; cela me porte à considérer les actions des femmes dans les situations les plus simples & dans les plus importantes, lorsqu’elles ont eu la liberté d’agir ; enfin, je crois conduire mes Lecteurs à conclurre avec moi, qu’il seroit très-utile que les femmes, sur tout en France, fussent intimément associées aux fonctions des hommes, & qu’elles participassent aux titres & aux décorations extérieures que la reconnoissance nationale accorde aux hommes avec lesquels elles sont unies par le lien conjugal.

Je préviens mes Lecteurs que, pour remplir ce plan, je me servirai de tout ce que la mémoire me fournira, de tout ce que je rencontrerai dans l’histoire, de tout ce que mes prédécesseurs ont écrit. Travaillant à la louange des femmes, sujet si souvent traité, il est impossible de ne pas répéter ce que M. Thomas et tant d’autres ont dit de bon ; ceux qui écriront après moi, feront bien de recueillir de même ce qu’ils croiront digne d’être répété.

Les abeilles vont prendre ce qui leur convient sur toutes les fleurs ; mais elles en forment la cire & le miel, dont on ne jouiroit pas sans leurs travaux⁶⁸.

[Sans aller jusqu’à parler de succès, l’ouvrage, proposé à la vente au prix de 2 livres⁶⁹, bénéficie, en son temps, d’un certain retentissement. C’est le Journal encyclopédique qui mentionne pour la première fois l’ouvrage, en décembre 1785⁷⁰, dont il effectue un compte rendu élogieux : « Ce monument élevé à la gloire de son sexe [celui de « l’auteur »] sera d’autant plus solide, que c’est presque toujours sur des faits qu’il est appuyé. […] Jamais leur cause [des femmes] ne fut défendue avec plus d’intérêt, ni plus de méthode. Des propositions en faveur des femmes françoises terminent cet ouvrage, & méritent particulierement l’attention du lecteur. » L’auteur du compte rendu envisage d’y revenir ultérieurement, « pour en donner une connoissance plus détaillée » : « Tout semble nous y inviter, & le sujet & la maniere dont il est traité. » À notre connaissance, il n’en fera rien.

On trouve aussi un bref compte rendu dans l’Almanach littéraire⁷¹, qui retient essentiellement que « le titre de ce petit Ouvrage, ne promet pas encore tout ce qu’il tient » : « Les Femmes de chaque état ne peuvent le lire qu’avec plaisir ; & sans doute elles desireront en connaître l’aimable Auteur. » L’important est cependant que cet « aimable Auteur » est nommé : « Nous comparons Madame de Coicy à l’Abeille industrieuse qui va prendre ce qui lui convient sur les fleurs pour en extraire la cire & le miel. » Le compliment pourrait être à double tranchant si la comparaison n’était pas textuellement reprise de l’« Introduction » de l’ouvrage, précédemment citée. La suite du compte rendu se limitant à citer « un morceau du Chapitre intitulé : Sentimens des plus grands Hommes sur les Femmes », on n’en saura pas davantage, sinon que l’« immortel Voltaire a plus fait encore pour les Femmes que tous les Hommes célèbres qu’on vient de citer [dans l’extrait de Coicy] ».

Un autre compte rendu, publié le 6 mai 1786 dans le Journal général de France⁷², sans mentionner le nom de l’autrice, est pour l’essentiel consacré à remettre les femmes à leur place. Son auteur reprend certains développements consacrés par Coicy à Lycurgue et Platon, avant d’enchaîner – et de conclure – en ces termes :

Voilà sans doute de grandes autorités ; mais ne peut-on pas dire que ces célèbres Législateurs se sont égarés dans des chimères, & qu’ils n’ont fabriqué que des romans philosophiques ? N’est-on pas en droit de leur répondre, que la nature a prononcé sur la constitution physique & morale de la femme, de même que sur celle de l’homme ? C’est la nature qui a tracé aux deux sexes le plan de leurs devoirs, de leurs occupations. Recommandons aux Femmes d’avoir les qualités d’épouses, celles de mères de famille, & n’allons pas leur faire endosser la cuirasse. C’est à nous de les défendre, de les protéger, de veiller à leur entretien, ainsi qu’à celui de leurs enfans ; & leur mission est, si l’on ose le dire, de nous consoler, de se charger de l’administration de l’enfance ; en un mot, de partager nos peines, & de les adoucir : ne sortons point de ces limites. Aujourd’hui on se plait en tout genre à passer les bornes, & qu’arrive-t-il ? on erre dans le vuide.

Naturalisation essentialisante, rôles genrés : tout est dit dans ce discours au masculin, y compris des risques encourus à transgresser les « limites » et à « passer les bornes ».

Le 8 juillet 1786, c’est au tour du Mercure de France⁷³ qui, après avoir résumé la teneur de chacune des parties de l’ouvrage, exprime, dans des termes moins explicites, un semblable point de vue, éreintage en prime :

On sait combien on a déjà écrit, & combien on pourroit écrire encore sur cette matière, même après avoir lu cet Ouvrage, qui nous a paru ne contenir aucune vue nouvelle. Nous croyons d’ailleurs que quelques-uns des moyens qu’il propose en élevant un sexe, humilieroit bien l’autre. Il seroit plaisant en effet de voir une femme Maréchale de France, & décorée du Cordon Bleu, tandis que son mari auroit à peine la Croix de S. Louis.

Il faudra s’en souvenir pour apprécier la teneur du propos de Coicy.] OF

Contexte de rédaction

Le présent texte, constitué par la reprise de passages de l’ouvrage de 1785, peut être considéré comme un compendium des idées principales avancées dans Les Femmes comme il convient de les voir.

Dans la Demande des femmes aux États-généraux, M^me de Coicy a manifestement tiré profit d’un contexte politique nouveau pour remettre en avant des idées qu’elle avait déjà développées quatre ans auparavant : en août 1788, le roi a convoqué les États généraux réunissant les trois ordres de la société – le clergé, la noblesse et le tiers état – qui sont officiellement ouverts, à Versailles, en mai 1789.

Entre-temps, il s’est agi de désigner les représentants qui vont siéger et les femmes sont considérées comme non-éligibles à la vie politique. À cette occasion, les femmes, encore cantonnées dans les activités domestiques et privées de droits civils et civils, prennent cependant la parole. Ces circonstances expliquent ainsi que les femmes du tiers état signent par exemple une pétition le 1^er janvier 1789 qu’elles transmettent au Roi où elles expriment un certain nombre de revendications, en particulier en terme d’accès à l’éducation :

Nous demandons à être éclairées, à posséder des emplois, non pour usurper l’autorité des hommes, mais pour en être plus estimées […].

Nous vous supplions, Sire, d’établir des Écoles gratuites où nous puissions apprendre notre langue par principes, la Religion & la morale […]⁷⁴.

Les discours prennent aussi la forme de remontrances, plaintes et doléances qui portent des revendications plus explicitement politiques⁷⁵.

D’après Dominique Godineau, l’histoire révolutionnaire croise l’histoire du genre⁷⁶, et de fait, dès le début des États généraux et bien au-delà, plusieurs femmes arrivent sur la scène politique. C’est dans ce cadre qu’il convient d’apprécier le discours que M^me de Coicy avait produit quelques années auparavant et qu’elle donne à relire, sous une forme ramassée.

Commentaire

« L’auteur des Femmes comme il convient de les voir »

La Demande des femmes aux États-généraux s’ouvre par un constat sans appel :

Les femmes forment la moitié de l’espèce humaine qui habitent [sic] le territoire de la France.

Depuis des siècles, elles ne sont rien dans la Nation Françoise, & elles ne peuvent avoir aucune influence dans ses affaires, que par des moyens secrets de ruse & de séduction, qui, très-souvent, il faut l’avouer, leur réussissent. (p. 1)

Allons plus loin : M^me de Coicy signe cet opuscule « Par l’Auteur des Femmes comme il convient de les voir ». De fait, si elle s’attribue le rôle de porte-parole des femmes françaises durant la Révolution – et elle s’en montre à la hauteur –, elle fait surtout allusion au texte précédent qu’elle publie anonymement en 1785, mais dont elle rappelle le souvenir.

En l’absence de discours auctorial, on est réduit aux hypothèses pour expliquer cette nouvelle prise de parole à l’époque des États généraux. La première serait que, pour que cette Demande se fasse entendre il fallait à l’autrice un moyen de justifier sa position de porte-parole par son adhésion ancienne à cette cause. L’autrice entend-elle se prévaloir du succès remporté par son précédent ouvrage ? On a vu que si l’ouvrage a indéniablement fait l’objet d’une certaine couverture médiatique, sa réception a été pour le moins mitigée. Peut-être alors s’agissait-il d’attirer l’attention sur les idées défendues en 1785, rendues plus accessibles par la forme du compendium.

[Toujours est-il que le texte de la Demande des femmes aux États-généraux est, à l’exception de l’entrée en matière, déjà citée, constitué de passages, parfois copiés et collés, parfois partiellement réécrits, parfois condensés, extraits des Femmes comme il convient de les voir, en deux volumes, comme si, face à une réception pour le moins contrastée de l’ouvrage dans la presse de 1785 et 1786, l’autrice avait jugé opportun d’en fournir un « extrait » de son cru, au sens journalistique du terme⁷⁷. Le détail des emprunts étant signalé dans les notes éditoriales du texte, on s’en tiendra ici à quelques remarques d’ensemble.

Le tableau ci-dessus indique la circulation des emprunts qui s’effectuent grosso modo dans l’ordre du texte de 1785, dans le cadre de la structure adoptée en 1789, qui propose une répartition par « fonctions » exercées par les femmes dans les « Sociétés » (p. 3). Seule exception, le développement sur « La Politique » au sein duquel sont regroupés des passages qui, dans l’ouvrage de 1785, se trouvent dans la 3^e partie (sur le « Pouvoir des Femmes en France ») puis dans la 2^e partie (« De la Politique », « Des Femmes près du Trône ») avant de reprendre les passages consacrés, dans la 3^e partie, aux « Ordres de Chevalerie » et aux « Décorations des Chevaliers ».] OF

Structure argumentative

Si, par ce jeu de copiers-collers, le mode de composition du texte peut apparaître complexe, l’autrice a su conférer à sa Demande une très grande lisibilité. La ligne directrice du discours consiste en effet à avancer que les femmes sont capables d’affirmer leur place dans tous les domaines de la vie intellectuelle, sociale et politique, ce qui rejoint la « Conclusion » de son ouvrage de 1785 :

[…] je crois avoir réussi à faire mieux connoître à mes Lecteurs les vertus & les talens que les femmes ont reçues [sic] de la nature & de l’éducation, & à leur démontrer qu’il seroit avantageux qu’elles fussent en société de fonctions & de gloire avec les hommes auxquels elles sont unies par le lien conjugal⁷⁸.

Circularité du discours

On l’a vu, Coicy commence son texte par une accroche offensive qui dresse le constat d’une inégalité entre les sexes qui perdure « depuis des siècles » : alors que « les Femmes forment la moitié de l’espèce humaine », « elles ne sont rien dans la Nation Françoise » (p. 1). Et pourtant un rapide aperçu historique, reposant sur des exemples pris entre les xii^e et xiv^e siècles, tous antérieurs au processus de centralisation monarchique, permet de rappeler que cette situation est contredite par l’existence de « loix qui ne sont point abolies » et qui n’instauraient « aucune différence entre les Hommes et les Femmes, même pour les fonctions qui exigent de la force, du courage & des vertus » (p. 2) – autant de qualités considérées comme masculines, le terme vertu devant s’entendre dans un sens étymologique de virtus, qualité du vir, de l’homme. Au passage sont d’ores et déjà posés quelques jalons préparant la suite du propos, les « fonctions » exercées par ces femmes relevant aussi bien de leur présence dans les assemblées politiques, de leur rôle de soutien de la royauté, que de leur capacité à rendre justice.

Autant de « fonctions » qui sont alors mentionnées dans un ordre explicite, chacune d’entre elles étant rappelées dans la suite du texte par un intertitre. Il s’agira de « met[tre] sous les yeux des Femmes » et de « présent[er] à la Nation assemblée ce que les Femmes ont été & ce qu’elles sont dans les fonctions les plus importantes des Sociétés », « fonctions » dont la liste est alors fournie :

Les Sciences & les Arts.

La Religion.

Le soin des Malheureux.

La défense de la Patrie.

La Politique. (p. 3)

M^me de Coicy traite ainsi chacun de ces points en prenant notamment appui sur des données historiques. La conclusion est implacable, et elle peut être rapprochée de l’entrée en matière du texte : « Depuis des siècles elles [les femmes] ne sont rien dans la Nation Françoise […]. » (p. 1) « Et par nos Loix Françoises, les Femmes ne sont rien ! » (p. 10) Premier effet de clôture.

S’amorce alors, au moment où l’autrice en vient à formuler sa « demande », un changement rhétorique brutal avec le passage à l’emploi du nous pour représenter la collectivité des femmes françaises dans laquelle elle s’inclut, le discours étant explicitement adressé aux « François rassemblés en corps de Nation » : « reconnoissez ce que les Femmes Françoises furent, ce qu’elles sont, & ce qu’elles peuvent être. » (p. 10) On aura relevé au passage la reprise du sous-titre de l’ouvrage de 1785, qui annonce un « Apperçu de ce que les Femmes ont été, de ce qu’Elles sont, & de ce qu’Elles pourroient être ».

Comme dans Les Femmes comme il convient de les voir, l’autrice se polarise sur la question des différents ordres, notamment l’Ordre de Saint-Michel ou l’Ordre de Saint-Louis et – là réside la nouveauté du propos en 1789 – elle finit même par proposer la fondation d’un nouvel ordre : « Il conviendroit d’établir en France un quatrième Ordre en faveur de la Magistrature, Corps si nombreux, si utile, si noble dans ses fonctions même, & si digne des respects & des égards publics. » (p. 13) Mais l’objet de la « demande » concerne l’ensemble de ces ordres honorifiques : « Nous demandons que les femmes soient mises en droit de se parer des mêmes colliers & croix des Ordres de Chevalerie dont leurs maris seront, ou ont été honorés, en récompense de leurs vertus, de leurs talens & de leurs services. » (p. 11)

La fin du texte, tout en insistant sur les bénéfices escomptés de cette « demande », si elle était accordée, marque un nouvel effet de clôture : « étant mises par cet établissement en société de gloire avec leurs maris, elles s’occuperont uniquement de leurs mœurs, de leurs actions, auxquelles leur propre illustration sera intimement liée. » Ces bénéfices, en termes de moralisation de la société, se mesurent par rapport à la situation ante : « enfin, les Femmes […] n’avoient ni rang, ni fonction, ni décorations personnelles, n’étoient occupées dans la Société qu’à intriguer, plaire & séduire par tous les moyens qu’elles imaginoient propres aux succès de leurs vues » (p. 15). Cette situation rappelle la dénonciation antérieure de la nullité des femmes et des « moyens » qu’elles sont bien obligées d’employer pour « avoir quelque influence dans [l]es affaires [de la nation] » : « des moyens secrets de ruse & de séduction, qui, très-souvent, il faut l’avouer, leur réussissent. » (p. 1)

[Une double destination du discours

Les effets de clôture signalés font apparaître le développement d’une argumentation en deux temps, sous-tendue par une double destination du discours. C’est explicitement aux « François rassemblés en corps de Nation » (p. 10) qu’est adressée la « demande » formulée dans la seconde partie du texte, lorsque le je de la locutrice se fond dans la collectivité féminine du nous : « Nous demandons que… » (p. 10, 11) s’articule avec « Trouvez bon que nous sollicitions le succès de notre demande » (p. 11).

Les destinataires masculins sont il est vrai à l’horizon de l’ensemble du texte, ce que suggère implicitement le titre : la « demande », qui émane « des femmes », est présentée « aux États-généraux » auxquels, on le sait, seuls les hommes sont conviés. C’est aussi ce qu’exprime Coicy lorsqu’elle annonce les cinq domaines sur lesquels portera son exposé dans ce qui apparaît rétrospectivement être la première partie de son discours : « je présente à la Nation assemblée ce que les Femmes ont été & ce qu’elles sont dans les fonctions les plus importantes des Sociétés. » (p. 3) On pourra cependant s’aviser que, ici comme peu avant à la suite de l’évocation des « antiques fonctions » (p. 3) que les femmes avaient le droit d’exercer entre les xii^e et xiv^e siècles, l’autrice s’adresse également aux femmes : de même qu’elle le brosse à l’intention des hommes constituant « la Nation assemblée », Coicy entend mettre le tableau qu’elle s’apprête à dresser « sous les yeux des Femmes » (p. 3). La mention n’est sans doute pas indifférente si l’on considère que l’on peut attendre de ce tableau un effet similaire à celui que l’autrice indiquait après avoir évoqué les exemples anciens, dans le préambule du texte : « je ne les présente [« ces antiques fonctions »] que pour rallumer dans le cœur des Femmes quelque chaleur qui les porte à s’efforcer de sortir de la honteuse & révoltante inutilité où elles sont. » (p. 3) On peut y lire une exhortation à l’action inscrite dans une démarche d’encapacitation.] OF

Concordance des temps

Dans l’« Introduction » des Femmes comme il convient de les voir, M^me de Coicy fondait sa réflexion non seulement sur « une assez longue expérience » mais aussi sur « une étude profonde de l’Histoire⁷⁹ ». Les données historiques sont sans surprise centrales dans la Déclaration et elles remplissent une double fonction. D’une part, elles servent à légitimer le propos qui se trouve lesté du poids de l’authenticité historique. Si les sources auxquelles puise l’autrice ne sont que rarement explicitées⁸⁰, on relève, avec la mention de « l’Historien du Languedoc » (p. 2), une référence à l’Histoire générale du Languedoc d’où provient en effet le développement consacré à Ermengarde, « Vicomtesse de Narbonne »⁸¹. C’est du reste la présence de ces soubassements historiques qui rend « solide » l’ouvrage de 1785, selon les termes du rédacteur du Journal encyclopédique lorsqu’il en rend compte⁸².

Ces références historiques sont d’autre part indissociables du projet démonstratif de Coicy qui, comme dans son précédent ouvrage, repose sur le contraste entre la situation présente des femmes et ce qu’elles « furent » : parce qu’elle n’a pas été nécessairement reconnue comme telle, la question de l’influence des femmes doit être abordée dans tous les domaines, y compris religieux, militaires et politiques. Surtout, cette question est soulevée dans la perspective d’un pouvoir être des femmes, orienté vers une amélioration désirable de leur situation envisagée dans le futur : pourquoi les femmes n’auraient-elles pas le droit de se voir reconnue une place dans ces différents domaines ?

L’aspiration à une reconnaissance

[De l’individuel au collectif

La question de la reconnaissance est absolument centrale dans la démarche de M^me de Coicy. Elle se pose d’abord à l’autrice des Femmes comme il convient de les voir qui explique, au début de l’« Introduction », que si elle « écri[t] en faveur des femmes », ce n’est pas par « intérêt personnel » mais « dans l’intention d’être utile à l’un & l’autre sexe, & de mériter leur estime & leur reconnoissance »⁸³. Le terme est aussi le dernier mot de la « Conclusion » de l’ouvrage : « moi, qui ai fait connoître les vertus des femmes par leurs actions, je crois avoir aussi mérité de leur part quelque reconnoissance⁸⁴. »

Mais c’est surtout à une reconnaissance collective qu’œuvre l’autrice, pour qui faire connaître signifie aussi faire reconnaître, ce qui est très directement formulé dans l’adresse aux « François rassemblés en corps de Nation » qui ouvre la seconde partie du texte : « reconnoissez ce que les Femmes Françoises furent, ce qu’elles sont, & ce qu’elles peuvent être. » (p. 10) Et cette reconnaissance doit se manifester par des marques concrètes : s’il est vrai que « les Chefs des Nations ont unanimement reconnu que, pour porter les hommes aux actions utiles, le moyen le plus certain étoit l’éclat des décorations visibles & personnelles » (p. 10), il devrait en aller de même pour les femmes. Tel est l’objet premier de la « demande ».

Une simple « parure » ?

Une telle « demande » peut paraître modeste – c’est du moins ainsi que Coicy la présente :

Nous ne demandons qu’une parure, & nous ne la demandons instamment que parce qu’elle ne peut nuire en aucune façon au bien commun de la Nation, & que nous sommes certaines qu’elle coopérera puissamment à l’accroissement de ses vertus, de sa puissance & de son illustration.

Nous demandons que les Femmes soient mises en droit de se parer des mêmes colliers & croix des Ordres de Chevalerie dont leurs maris seront, ou ont été honorés, en récompense de leurs vertus, de leurs talens & de leurs services. (p. 10-11)

D’autant plus que Coicy multiplie par ailleurs les gages de patriotisme – le contexte de réunion des États généraux le justifie – mais aussi de modestie : « Notre amour sincère pour le bien de la Patrie, joint à la crainte des troubles civils, nous forcent à ne mettre aucun trouble à vos décisions, à nous y soumettre sans résistance. » (p. 10)

L’enjeu, tel que le présente Coicy, est cependant important du point de vue de la morale publique : alors que l’invisibilisation de toutes les femmes avait pour conséquence une « confusion défavorable aux mœurs » non seulement entre « les femmes du plus haut rang, & celles d’un rang infiniment au-dessous » mais aussi entre « les plus vertueuses & les plus déréglées » (p. 14), une « distinction » fondée non pas sur « les richesses » (bien ou mal acquises) mais sur le mérite constituerait un remède salutaire.

Il n’en reste pas moins, surtout, que la « demande » est éminemment symbolique, puisqu’il s’agit de partager la reconnaissance dont bénéficient certains hommes et, sait-on jamais, de recevoir aussi, indépendamment des « maris », un tribut de reconnaissance équivalent « en récompense » des mêmes « vertus », « talens » et « services » (p. 11). L’autrice ne le dit pas explicitement, mais les réactions offusquées ou goguenardes publiées dans la presse en 1785 et 1786⁸⁵, lors de la parution des Femmes comme il convient de les voir, suggèrent que cette conséquence n’a pas échappé aux journalistes.] OF

Une égalité de traitement

Au regard de l’histoire et de ce que Coicy vient d’illustrer dans la première partie de son texte, les femmes ont apporté et apportent des contributions indéniables à la société française, qu’il s’agisse des « Sciences » et des « Arts », de la « Religion », du « Soin des Malheureux », de la « défense de la Patrie » ou de la « Politique ». Autant de domaines dans lesquels les « décorations » ont valeur de distinction pour qui en bénéficie : la bravoure militaire et l’implication au service du roi pour les ordres de Saint-Louis et du Saint-Esprit ; mais aussi, rappelle Coicy, l’excellence « dans les Sciences & dans les Arts » pour « l’Ordre de Saint-Michel » (p. 13).

Ces faits étant connus, il est inacceptable que les femmes ne soient pas reconnues dans les différents domaines puisque, elles aussi, se montrent à la hauteur dans les mêmes domaines : elles doivent par conséquent bénéficier des mêmes droits et devoirs que leurs pairs masculins.

Réception

Contrairement aux Femmes comme il convient de les voir, la Demande des femmes aux États-généraux ne semble pas avoir donné lieu à des comptes rendus dans la presse périodique contemporaine.

Éléments de bibliographie

Études

Dominique Godineau, Citoyennes tricoteuses : les femmes du peuple à Paris pendant la Révolution française [1988], Paris, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2004.

Revisiter la « Querelle des femmes » : discours sur l’égalité-inégalité des sexes. De 1750 aux lendemains de la Révolution, dir. Éliane Viennot avec la collaboration de Nicole Pellegrin, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012.

1. Les Femmes comme il convient de les voir, ou Apperçu de ce que les Femmes ont été, de ce qu’Elles sont, & de ce qu’Elles pourroient être, Londres et Paris, Bacot, 1785, 2 vol. <https://books.google.fr/books?id=N5QDAAAAQAAJ> [↩]
2. Dans ce paragraphe, et dans les six suivants, l’autrice reprend en les abrégeant des développements publiés dans Les Femmes comme il convient de les voir, 1^re partie, chap. II (« Des effets du Gouvernement sur l’Éducation, & ceux de l’Éducation sur la force & les vertus de l’un & de l’autre sexe »), op. cit., t. I, p. 12-16. [↩]
3. Philippe IV le Bel, roi de France (1285-1314). [↩]
4. Le ban désigne « l’assemblée de la Noblesse, lorsqu’elle est convoquée par le Prince pour le servir à la guerre », explique le Dictionnaire de l’Académie française (éd. 1798), qui donne comme exemple « Convoquer le Ban et l’Arrière-ban » et précise que, « en ce sens, on ne dit guère Ban, sans y ajouter Arrière-ban ». L’événement évoqué se déroule dans le cadre de la guerre de Flandres (1297-1305), qui oppose la France et le comté de Flandre. [↩]
5. Philippe V le Long, roi de France et de Navarre (1316-1322). [↩]
6. Mahaut d’Artois, qui a été comtesse palatine de Bourgogne (1285-1303) est alors comtesse d’Artois (1302-1329). [↩]
7. Ermengarde, vicomtesse de Narbonne (1134-1192/1193). [↩]
8. Louis VII dit aussi Louis le Jeune, roi des Francs (1137-1180). [↩]
9. Ce qui suit est textuellement repris de l’Histoire générale du Languedoc (XVIII, 63), qui cite une lettre de Louis le Jeune à Ermengarde et ajoute : « Cette lettre prouve évidemment que les loix Romaines étoient alors exactement observées dans la province, puisque sous ce prétexte on y faisoit difficulté de souffrir que la vicomtesse Ermengarde rendît elle-même la justice : mais sans avoir recours à l’autorité du roi qui le lui permit, elle pouvoit se servir de l’exemple de plusieurs comtesses ou vicomtesses du païs, qui avoient auparavant présidé à divers plaids, & se fonder ainsi sur un usage déja établi, & pour lequel on avoit dérogé en cela au droit Romain. » (Paris, Jacques Vincent, 1733, t. II <https://books.google.fr/books?id=UelGAAAAcAAJ>, p. 503) [OF] [↩]
10. Selon le Dictionnaire de l’Académie française (éd. 1798), « On dit dans les Provinces et dans les Justices inférieures, Tenir les plaids, pour dire, Tenir l’Audience. » [↩]
11. Bérengère de Navarre (1163/1165-1230), veuve de Richard Cœur de Lion. [↩]
12. « Ce en quoi on fait principalement consister l’honneur. » (Dictionnaire de l’Académie française, éd. 1798) [↩]
13. La suite reprend en les abrégeant des développements publiés dans Les Femmes comme il convient de les voir, 2^e partie (« Examen des Actions des Femmes, dans les fonctions les plus simples jusques dans les plus élevées »), chap. I (« De l’Esprit & de l’Instruction »), op. cit., t. I, p. 37-42, 44, 45. [↩]
14. Marie de Gournay (1565-1645), femme de lettres françaises et « fille d’alliance » de Michel de Montaigne. [↩]
15. Anne Dacier (1645-1720), philologue et traductrice d’Homère. [↩]
16. Claude Catherine de Clermont, dame de Vivonne et de Dampierre (1543-1603), baronne puis comtesse puis duchesse de Retz, dont les productions n’ont pas été conservées, tient le « salon vert de Dictynne » que fréquentent les poètes, artistes, philosophes et hommes politiques les plus en vue. [↩]
17. Antoinette de Lafon de Boisguérin des Houlières ou Deshoulières (1638-1694), dont les Poésies (Paris, Veuve de S. Mabre-Cramoisy, 1690) sont plusieurs fois rééditées au cours du xviii^e siècle. [↩]
18. Lors de sa première attribution, ce prix, fondé par Guez de Balzac, revient à Madeleine de Scudéry pour son Discours de la gloire (Paris, P. Le Petit, 1671). [↩]
19. L’initiale G, qui peut faire penser à M^me de Genlis (1746-1830), a été ajoutée dans le présent texte alors que celui paru dans Les Femmes comme il convient de les voir n’en comportait pas : « Le prix, proposé en France par son Académie, en l’honneur du meilleur Ouvrage sur l’Éducation, a été donné à Madame de…. » (op. cit., t. I, p. 41) Il est probablement fait allusion au prix Montlyon, qui récompense les ouvrages d’utilité morale : voir Francis Marcoin, « L’effet Montlyon », Romantisme, n^o 93, 1996, p. 65-82 <https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1996_num_26_93_3127>. C’est à M^me d’Épinay qu’a été décerné le prix en 1782 pour ses Conversations d’Émilie. Merci à Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval pour ces précisions. [OF] [↩]
20. M^me de Lambert (1647-1733), autrice des Réflexions nouvelles sur les femmes, ou Métaphysique d’amour, (1727), du Traité de l’Amitié (1732) et de La Vieillesse (1732), publiés à titre posthume, a également tenu un salon renommé entre 1710 et 1733. [↩]
21. Les Mémoires de Marie de Nemours (1625-1707) ont été publiés à titre posthume. [↩]
22. Histoire littéraire des femmes françoises, ou Lettres historiques et critiques, contenant un Précis de la Vie & une Analyse raisonnée des Ouvrages des Femmes qui se sont distinguées dans la Littérature Françoise. Par une Société de Gens de Lettres [Joseph de La Porte, Jean-François de La Croix], Paris, Lacombe, 1769, 5 vol. [OF] [↩]
23. Élisabeth-Sophie Chéron (1648-1711), peintre sur émail et graveuse, reçue à l’Académie royale de peinture et de sculpture en septembre 1673. [↩]
24. Anne Vallayer Coster (1744-1818), reçue en juillet 1770. [↩]
25. Élisabeth Vigée Le Brun (1755-1842), reçue en mai 1783. [↩]
26. Les trois premiers paragraphes reprennent en les abrégeant des développements publiés dans Les Femmes comme il convient de les voir, 2^e partie, chap. II (« De la Religion »), op. cit., t. I, p. 47-49. [↩]
27. La doctrine d’Arius, théologien d’Alexandrie du début du iv^e siècle, qui considère que les personnes divines, au sein de la Trinité, ne peuvent être ni égales ni confondues, est déclarée hérétique par le premier concile de Nicée (325). [↩]
28. Ce que confirme le Dictionnaire de Trévoux (éd. 1771) à l’article « Dévot, ote » : « Les femmes sont appelées par S. Augustin & par l’Eglise, le sexe dévot. » [OF] [↩]
29. À titre d’exemple, le règlement concernant la réunion des États généraux (24 janvier 1789) précise que, en dehors de « chaque chapitre séculier d’hommes » (art. X), qui doit désigner son député, « tous les autres corps et communautés rentés, réguliers, des deux sexes, ainsi que les chapitres et communautés de filles, ne pourront être représentés que par un seul député ou procureur fondé, pris dans l’ordre ecclésiastique ou régulier » (art. XI). [↩]
30. L’anecdote, rapportée dans Les Femmes comme il convient de les voir (2^e partie, chap. IV [« Des Devoirs de la Vie Civile »], op. cit., t. I, p. 73), où elle est datée du 19 juillet 1746, intervient dans le contexte de la guerre de Succession d’Autriche : elle est sans doute reprise des Variétés littéraires. L’Année historique, t. I, Paris, Au Bureau, 1786 <https://books.google.fr/books?id=5VZZAAAAcAAJ>, « Mort de Madame d’Audifret », p. 116. [OF] [↩]
31. Mazarin. L’épisode se déroule en 1652, pendant la Fronde. [OF] [↩]
32. Anne Louise d’Orléans, également appelée « la Grande Mademoiselle », fille de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII. [↩]
33. Ce paragraphe et le suivant reprennent en les abrégeant des développements publiés dans Les Femmes comme il convient de les voir, 2^e partie, chap. VI (« De l’Amour de la Liberté »), op. cit., t. I, p. 87. [↩]
34. Catherine de Parthenay (1554-1631), épouse en secondes noces de René II de Rohan ; Anne de Rohan (1584-1646). [↩]
35. La Rochelle, qui devient une place de sûreté protestante après la signature de l’édit de Nantes, proclame son indépendance en 1621 : au terme d’un siège commandé par le cardinal de Richelieu qui dure près d’un an, la ville capitule en 1628. [↩]
36. Turenne et Villars ont été l’un et l’autre élevés à la dignité de maréchal général des camps et armées du roi, le premier en 1660, le second en 1733. [↩]
37. Dans son Histoire de Jeanne d’Arc (Amsterdam, 1759 <https://books.google.fr/books?id=9wFXAFY-jmEC>), Lenglet Dufresnoy écrit que « c’est avec raison que la Ville d’Orléans lui a élevé une Statue, qui perpétue à jamais la mémoire de son courage & de sa conduite » (3^e partie, p. 124). Il citait auparavant le témoignage d’un écrivain du xvi^e siècle, qui déclare : « J’ai vu moi-même sur le Pont d’Orléans la statue en bronze de la Pucelle, avec ses cheveux voltigeans, & à genoux devant Jesus-Christ crucifié, avec une inscription qui fut placée alors, & qui marquoit que cette statue avoit été placée aux dépens des femmes & des filles d’Orléans, en mémoire de la délivrance de cette Ville assiégée par les Anglais » (p. 73). [OF] [↩]
38. Voir Les Femmes comme il convient de les voir, 2^e partie, chap. VIII (« De la Valeur du Courage »), op. cit., t. I, p. 108 : « Madame de Miramont, pendant la division des François sous Henri III, étoit toujours à cheval, suivie de soixante Gentilshommes ; & la Comtesse de Sault, Provençale, fournit le même exemple sous Henri IV. » [↩]
39. « Jeanne, Comtesse de Montfort, fille de Louis de Flandre, Comte de Nevers, après la mort de son mari, Jean IV, Duc de Bretagne, en 1345, reprit, les armes à la main, plusieurs places en Bretagne, sur le Comte de Blois ; &, étant attaquée dans Hennebon, elle soutint plusieurs assauts, & enfin fit sur les assiégeans une sortie si vigoureuse, qu’elle les força à abandonner le siége, & à la laisser maîtresse du Duché, qui resta long-tems dans sa maison. » (Ibidem) [↩]
40. « Marie, fille & héritière de Godefroi de Boulogne, & petite-fille de Robert VIII Comte d’Auvergne, épousa l’an 1388 Bertrand V du nom, Comte de la Tour. / A la mort de ses parens, en 1422, elle se mit en possession des Comtés de Boulogne & d’Auvergne. Alors Georges de la Tremouille, qui, par son mariage avec Jeanne II, Comtesse d’Auvergne & de Boulogne, & Duchesse de Berry, prétendoit à cette succession, employa d’abord les armes contre sa rivale. Ne pouvant la déposséder par la force, il eut recours à la procédure, à l’éloquence, aux loix. Cette double guerre dura pendant vingt ans, & se termina à l’avantage de Marie. Son courage fut couronné ; elle resta en possession paisible, & en mourant, le 7 Avril 1437, elle laissa un fils, qui lui succéda. » (Ibid., p. 109-110) [↩]
41. « Jeanne de Navarre, femme du Roi de France Philippe le Bel, alla en personne s’opposer au Comte de Bar, qui ravageoit la Champagne. Elle l’attaqua ; le poursuivit ; le força de se rendre, & l’emmena prisonnier à Paris. » (Ibid., p. 111) L’événement se déroule en 1297. [↩]
42. « Marie de Brabançon, étant assiégée dans son Château de Bennegon [Bannegon] en Berry [en 1570], pendant les guerres civiles sous Charles IX, ne s’étonna point de voir ses Tours abattues & les murs ouverts. Une demi-pique à la main, elle soutint jusqu’à trois assauts, & ne se rendit que lorsque les vivres & les munitions lui manquèrent. / Ses ennemis mêmes, frappés de sa haute valeur, la renvoyèrent avec honneur dans sa maison, sans exiger qu’elle payât rançon. » (Ibid., p. 112) [↩]
43. « Au siége de Tournay, en 1581, Marie de Lalain, Princesse d’Epinay, non contente d’exhorter les Soldats & les Bourgeois à une vigoureuse défense contre le Duc de Parme & les Espagnols, s’exposoit si fort elle-même, qu’elle eut le bras cassé d’un coup d’arquebuse, blessure dont elle mourut l’année suivante. » (Ibid., p. 113) [↩]
44. « On célèbre encore la Dame de Balagny [Renée de Clermont d’Amboise], femme du Seigneur de Cambray, qui fit avec éclat le devoir de Capitaine & de Soldat dans la défense de cette Ville contre les Espagnols. » (Ibidem) Le siège de Cambrai par les Espagnols se déroule en 1595. [↩]
45. « Marie, Comtesse d’Harcourt [(1398-1476)], épouse d’Antoine de Lorraine, Comte de Vaudemont, eut part à toutes les expéditions de guerre de son mari. A peine étoit-elle relevée de ses couches, lorsqu’on vint l’assiéger dans Vaudemont. Bravant les dangers de sa situation, elle fit prendre les armes aux Habitans, exhorta les Seigneurs qu’elle avoit auprès d’elle à la suivre, & fondant sur l’ennemi, elle le mit en déroute & délivra sa place. » (Ibid., p. 113-114) [↩]
46. « La Comtesse de Derby, née Françoise & de la Maison de la Tremouille [Charlotte Stanley, née Charlotte de Le Trémoille], pendant les guerres civiles de l’Angleterre, défendit avec courage l’Isle de Man & le Château de Latham contre les troupes du Parlement, & s’acquit l’honneur d’avoir été la dernière personne des trois Royaumes, dans tous les domaines de leurs dépendances, qui se fut soumise à la République victorieuse. Elle se rendit le 10 Novembre 1651, voyant qu’elle restoit seule de son parti, & sçachant que le Comte de Derby, son mari, avoit été mis à mort le 28 Octobre, dans la Province de Lancastre. » (Ibid., p. 110-111) [↩]
47. « La Lorraine achevoit, en 1634, de subir le joug de la France. / Remiremont, très-mauvaise Place, fut assiégée par Turenne ; mais la garnison, animée par l’Abbesse, tante du Duc François de Lorraine, se défendit si courageusement, qu’il fut obligé de lever le siége le 17 Août. » (Ibid., p. 114) Sur Turenne, voir, ci-dessus, n. 36. [↩]
48. Agnès Sorel (c. 1422-1450), favorite (1443) du roi Charles VII. Curieusement, l’autrice ne mentionne pas ici le rôle joué par Jeanne d’Arc dans le cours de la guerre de Cent Ans (1337-1453) qui oppose les royaumes d’Angleterre et de France. [↩]
49. Repris des Femmes comme il convient de les voir, 2^e partie, chap. X (« De la Fermeté dans les Dangers », op. cit., t. I, p. 134-135. [↩]
50. Dans les onze paragraphes suivants, l’autrice reprend, parfois réécrit et abrège, les développements parus dans Les Femmes comme il convient de les voir, 3^e partie (« Des Occupations, de l’état & du Pouvoir des Femmes en France), chap. III (« Pouvoir des Femmes en France », op. cit., t. II, p. 72-74. [↩]
51. C’est-à-dire ceux qui exercent un ministère religieux. [↩]
52. L’expression imagée, en référence à Thémis, déesse grecque de la justice, désigne le Palais de Justice. [↩]
53. Ces exemples sont évoqués dans les mêmes termes dans Les Femmes comme il convient de les voir, 2^e partie, chap. XI (« De la Politique »), op. cit., t. II, p. 8. [↩]
54. On trouve peu de traces de cette ambassade. Signalons cependant que, en 1686, l’ouvrage de Nicolas Perrot d’Ablancourt intitulé M. Perrot d’Ablancourt vengé, ou Amelot de la Houssaye convaincu de ne pas parler François, & d’expliquer mal le Latin (Amsterdam, Abraham Wolfgangh <https://books.google.fr/books?id=YUtMAAAAcAAJ>) est dédié « A Madame de la Haye-Vantelay, ambassadrice de France à Venise » qu’il prend pour juge dans le cadre de différend grammatical. [OF] [↩]
55. La maréchale de Guébriant avait la mission d’accompagner en Pologne Marie de Gonzague, qui a épousé par procuration le roi Ladislas IV Vasa en septembre 1645 : voir Jean Le Laboureur, Relation du voyage de la Royne de Pologne et du retour de Madame la Mareschalle de Guebriant, Ambassadrice Extraordinaire & Sur-Intendante de sa conduitte, Paris, Jean Camusat et Pierre Le Petit, 1647 <https://books.google.fr/books?id=G2BYAAAAcAAJ>. [↩]
56. Paragraphe repris des Femmes comme il convient de les voir, 2^e partie, chap. XII (« Les Femmes près du Trône »), op. cit., t. II, p. 33. [↩]
57. Sarah Churchill (1660-1744), qui épouse John Churchill, premier duc de Marlborough est considérée comme très influente en Angleterre en raison de sa proximité avec la reine Anne. [↩]
58. Françoise d’Aubigné (1635-1719), marquise de Maintenon, devient en 1683 l’épouse morganatique de Louis XIV à la fin de son règne. [↩]
59. Marie-Anne de La Trémoille, princesse de Ursins (1642-1722), est nommée en 1702 par Louis XIV et M^me de Maintenon camarera mayor de Marie-Louise Gabrielle de Savoie, première épouse du roi d’Espagne Philippe V, ce qui lui confère une autorité importante sur le couple royal. [↩]
60. Dans les huit paragraphes suivants, l’autrice reprend, parfois réécrit et abrège, les développements parus dans Les Femmes comme il convient de les voir, 3^e partie (« Des Occupations, de l’état & du Pouvoir des Femmes en France), chap. IV (« Des Ordres de Chevalerie & des Décorations des Chevaliers »), op. cit., t. II, p. 77-84. [↩]
61. L’ordre royal et militaire de Saint-Louis est un ordre honorifique fondé par Louis XIV en 1693 en vue de récompenser les officiers catholiques qui se sont signalés par leur bravoure. [↩]
62. L’« Ordre et aimable compagnie de monsieur saint Michel », dont le siège se trouve dans l’abbaye du Mont-Saint-Michel, est fondé par Louis XI en 1469 : ses membres peuvent se prévaloir du titre de « chevaliers de l’ordre du Roi ». À partir des années 1560, l’ordre compte des personnalités civiles, qui ne sont pas d’origine noble, en particulier des artistes de renom. Voir, ci-dessous, n. 65. [↩]
63. Une centaine d’années après l’ordre de Saint-Michel, l’« ordre et milice du benoît Saint-Esprit » est fondé par Henri III en 1578 pendant les guerres de Religion : ses membres, faits au préalables chevaliers de l’ordre de Saint-Michel, portent le titre de « chevaliers des ordres du Roi ». [↩]
64. Voir, ci-dessus, n. 61. [↩]
65. Par exemple, Montaigne (1577), l’architecte Jean Hardouin-Mansart (1693), le musicien Michel-Richard de Lalande (1722), le peintre Hyacinthe Rigaud (1727). [OF] [↩]
66. <https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb124632657> [↩]
67. Les Femmes comme il convient de les voir, ou Apperçu de ce que les Femmes ont été, de ce qu’Elles sont, & de ce qu’Elles pourroient être, Londres et Paris, Bacot, 1785, 2 vol. <https://books.google.fr/books?id=N5QDAAAAQAAJ> [↩]
68. Ibid., t. I, p. 3-6. [↩]
69. Voir le prospectus, daté du 12 janvier 1788, relatif aux « Bibliothèques portatives à secret, à l’anglaise » <https://books.google.fr/books?id=fuRdAAAAcAAJ> [↩]
70. Journal encyclopédique, année 1785, t. VIII <https://books.google.fr/books?id=MjK_o5pTtXUC>, 3^e partie, p. 539-540. [↩]
71. Almanach littéraire, ou Etrennes d’Apollon ; par M. d’Aquin de Château-Lyon, Paris, Chez tous les libraires, 1786 <https://books.google.fr/books?id=XLnaUAZ8PDYC>, « Notice des principaux ouvrages mis au jour en 1785 », p. 324-325. [↩]
72. Journal général de France, année 1786 <https://books.google.fr/books?id=kuO-S0bK_4EC>, n^o 54, p. 213. [↩]
73. Mercure de France, juillet 1786 <https://books.google.fr/books?id=F0_t4iI-YPUC>, p. 94. [↩]
74. Pétition des femmes du tiers-état au Roi, s.l., 1^er janvier 1789, p. 6 et 7 : voir l’édition d’Othilie Pougniet. [↩]
75. Remontrances, plaintes et doléances des dames françoises, à l’occasion de l’assemblée des états-généraux. Par M. L. P. P. D. St. L., s.l.n.d. [1789] ; voir l’édition de Claudia Fois. [↩]
76. Dominique Godineau, Citoyennes tricoteuses : les femmes du peuple à Paris pendant la Révolution française [1988], Paris, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2004. L’historienne affirme que le lien entre les deux histoires permet d’appréhender l’articulation entre la Révolution et les rapports de genre. [↩]
77. Il serait sans doute aventureux d’avancer que cette brochure de 15 pages remplace le compte rendu détaillé promis par le rédacteur du Journal encyclopédique en décembre 1785. [↩]
78. Les Femmes comme il convient de les voir, op. cit., t. II, p. 110. [↩]
79. Les Femmes comme il convient de les voir, op. cit., t. I, p. 3. [↩]
80. Nous ne les avons pas systématiquement recherchées, considérant que l’intérêt du texte consiste dans les réemplois que Coicy effectue de son ouvrage de 1785. L’identification des sources serait en revanche nécessaire dans la cadre de l’édition scientifique, au demeurant souhaitable, des Femmes comme il convient de les voir. [OF] [↩]
81. Voir, ci-dessus, l’annotation du texte, n. 9. [↩]
82. Voir, ci-dessus, la rubrique « L’autrice ». [↩]
83. Les Femmes comme il convient de les voir, op. cit., t. I, p. 3. [↩]
84. Ibid., t. II, p. 111. [↩]
85. Voir, ci-dessus, la rubrique « L’autrice ». [↩]

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